@@ -1139,46 +1139,230 @@ mais n'oublions pas que ce type de processus n'est pas le seul existant ...
#### 7 - L'essor de l'astronomie et son instrumentation au temps moderne
<br>
Il est frappant de constater que dans le domaine du développement instrumental, NEWTON, encore lui, prolonge l'oeuvre engagée par GALILEE. Même si l'idée n'est pas exclusivement de NEWTON (voir fils bibliographique), c'est quand même lui qui réalise le premier télescope, certes de dimensions modestes mais appelé un glorieux avenir. Aujourd'hui, la supériorité incontestable du télescope est sa possibilité de disposer d'une pupille de grande dimension (plusieurs mètres) permettant ainsi d'accroître à la fois la surface de collection du rayonnement incident, et la résolution angulaire limitée par la diffraction. La lunette, elle, connait une limitation technologique drastique : un diamètre de l'ordre du mètre limité par la nécessaire homogénéité du verre de l'objectif. Mais l'intention à l'époque de NEWTON était de résoudre le problème des aberrations chromatiques dont les optiques par transmission (à lentilles) avaient du mal à s'accommoder. Pendant des dizaines d'années une sorte de compétition aura lieu ... Notons enfin que le télescope de NEWTON utilisait un miroir entièrement métallique, dont l'usage, vite abandonné au bénéfice de miroirs en verre métallisé pour une utilisation en lumière visible, est revenu à l'ordre du jour aujourd'hui pour l'infrarouge et le submillimétrique (y compris pour des diamètres de l'ordre du mètre et plus).
Le développement instrumental pour l'astronomie devient à cette époque de plus en plus couplé à celui de la physique, tout comme pour le développement conceptuel. D'ailleurs, l'expérimentation va agir directement pour trouver la réponse à des questions millénaires concernant à la fois la physique et l'astronomie. Deux exemples peuvent être évoqués. Le premier concerne le vieux débat qui opposait dans l'antiquité grecque les matérialistes (dont EPICURE) et l'école aristotélicienne : le vide existe-t-il ? Oui disait les premiers, non avait répondu ARISTOTE. Les expériences de TORRICELLI et de PASCAL tranchèrent le débat par une mise en évidence expérimentale directe (voir par exemple RIVAL, 1996). Le second concerne la valeur de la vitesse de la lumière. EMPEDOCLE, EPICURE, LUCRECE attribuaient une valeur finie à la vitesse de la lumière. ARISTOTE notait qu'"une telle opinion est contraire à la fois la raison et aux faits observés". GALILEE reprend l'idée des matérialistes grecs, mais ne trouve pas d'argument décisif. Jean-Dominique CASSINI remarque des irrégularités dans le mouvement d'un satellite de Jupiter, et il envisage une interprétation par une valeur finie de la vitesse de la lumière ; mais il ne peut pas mettre en évidence cet effet sur les trois autres satellites connus. ROMER reprend l'étude et il finit par convaincre après avoir fait une prévision qui se révèle exacte ; toutefois la méconnaissance des distances ne permet pas d'estimer la valeur de la vitesse de la lumière, mais seulement sa finitude. En 1728, BRADLEY mesure "l'aberration de la lumière" en cherchant la en cherchant la valeur de la parallaxe annuelle de l'étoile Gamma du Dragon ; la seule interprétation raisonnable et d'attribuer une valeur finie à la vitesse de la lumière pour expliquer les valeurs de BRADLEY. C'est FIZEAU qui obtiendra en 1849 la valeur de 315000 km/s à l'aide d'une expérience utilisant une roue dentée (hacheur de faisceau) dont on ajuste la vitesse de rotation pour "éteindre" le faisceau réfléchi sur un miroir situé à une dizaine de kilomètres. Plus tard, en 1881, MICHELSON et MORLEY utiliseront une expérience interférométrique pour préciser cette valeur et montrer son invariance, pas essentiel vers la relativité d'EINSTEIN.
Mais il faut revenir au début du XVII<sup>ème</sup> siècle et évoquer deux figures de l'astronomie de la physique : DESCARTES et HUYGENS. DESCARTE développe une pensée philosophique unificatrice fondant la démarche d'acquisition des connaissances sur la rationalité. On connaît sa contribution à l'optique (lois de l'optique géométrique) et aux mathématiques. Sa pensée finement nuancée a fortement contribué à construire les fondements des méthodes scientifiques. En astronomie, il propose un Univers infini, avec une matière fluide en tourbillons localisés qui entraînent dans leur mouvement les astres ; de plus, ces tourbillons expliquent l'attraction centrale, par exemple de la Terre sur les corps à sa surface. Cette "physique tourbillonnaire" est reprise par HUYGENS. Cet astronome va contribuer, en plus de ses travaux en physique et en mathématiques, au développement instrumental. Il invente des lentilles achromatiques avec lesquelles il confectionne un nouveau type d'oculaire qui lui permet de découvrir :
Il est frappant de constater que dans le domaine du développement instrumental,
NEWTON, encore lui, prolonge l'oeuvre engagée par GALILEE. Même si l'idée n'est
pas exclusivement de NEWTON (voir fils bibliographique), c'est quand même lui qui
réalise le premier télescope, certes de dimensions modestes mais appelé un glorieux
avenir. Aujourd'hui, la supériorité incontestable du télescope est sa possibilité
de disposer d'une pupille de grande dimension (plusieurs mètres) permettant ainsi
d'accroître à la fois la surface de collection du rayonnement incident, et la résolution
angulaire limitée par la diffraction. La lunette, elle, connait une limitation technologique
drastique : un diamètre de l'ordre du mètre limité par la nécessaire homogénéité du
verre de l'objectif. Mais l'intention à l'époque de NEWTON était de résoudre le problème
des aberrations chromatiques dont les optiques par transmission (à lentilles) avaient
du mal à s'accommoder. Pendant des dizaines d'années une sorte de compétition aura lieu ...
Notons enfin que le télescope de NEWTON utilisait un miroir entièrement métallique, dont
l'usage, vite abandonné au bénéfice de miroirs en verre métallisé pour une utilisation
en lumière visible, est revenu à l'ordre du jour aujourd'hui pour l'infrarouge et le
submillimétrique (y compris pour des diamètres de l'ordre du mètre et plus).
Le développement instrumental pour l'astronomie devient à cette époque de plus en plus
couplé à celui de la physique, tout comme pour le développement conceptuel. D'ailleurs,
l'expérimentation va agir directement pour trouver la réponse à des questions millénaires
concernant à la fois la physique et l'astronomie. Deux exemples peuvent être évoqués.
Le premier concerne le vieux débat qui opposait dans l'antiquité grecque les matérialistes
(dont EPICURE) et l'école aristotélicienne : le vide existe-t-il ? Oui disait les premiers,
non avait répondu ARISTOTE. Les expériences de TORRICELLI et de PASCAL tranchèrent
le débat par une mise en évidence expérimentale directe (voir par exemple RIVAL, 1996).
Le second concerne la valeur de la vitesse de la lumière. EMPEDOCLE, EPICURE, LUCRECE
attribuaient une valeur finie à la vitesse de la lumière. ARISTOTE notait qu'"une telle
opinion est contraire à la fois la raison et aux faits observés". GALILEE reprend l'idée
des matérialistes grecs, mais ne trouve pas d'argument décisif. Jean-Dominique CASSINI
remarque des irrégularités dans le mouvement d'un satellite de Jupiter, et il envisage
une interprétation par une valeur finie de la vitesse de la lumière ; mais il ne peut
pas mettre en évidence cet effet sur les trois autres satellites connus. ROMER reprend
l'étude et il finit par convaincre après avoir fait une prévision qui se révèle exacte
; toutefois la méconnaissance des distances ne permet pas d'estimer la valeur de la vitesse
de la lumière, mais seulement sa finitude. En 1728, BRADLEY mesure "l'aberration de la
lumière" en cherchant la en cherchant la valeur de la parallaxe annuelle de l'étoile
Gamma du Dragon ; la seule interprétation raisonnable et d'attribuer une valeur finie
à la vitesse de la lumière pour expliquer les valeurs de BRADLEY. C'est FIZEAU qui obtiendra
en 1849 la valeur de 315000 km/s à l'aide d'une expérience utilisant une roue dentée
(hacheur de faisceau) dont on ajuste la vitesse de rotation pour "éteindre" le faisceau
réfléchi sur un miroir situé à une dizaine de kilomètres. Plus tard, en 1881, MICHELSON
et MORLEY utiliseront une expérience interférométrique pour préciser cette valeur et
montrer son invariance, pas essentiel vers la relativité d'EINSTEIN.
Mais il faut revenir au début du XVII<sup>ème</sup> siècle et évoquer deux figures
de l'astronomie de la physique : DESCARTES et HUYGENS. DESCARTE développe une pensée
philosophique unificatrice fondant la démarche d'acquisition des connaissances
sur la rationalité. On connaît sa contribution à l'optique (lois de l'optique géométrique)
et aux mathématiques. Sa pensée finement nuancée a fortement contribué à construire
les fondements des méthodes scientifiques. En astronomie, il propose un Univers infini,
avec une matière fluide en tourbillons localisés qui entraînent dans leur mouvement
les astres ; de plus, ces tourbillons expliquent l'attraction centrale, par exemple
de la Terre sur les corps à sa surface. Cette "physique tourbillonnaire" est reprise
par HUYGENS. Cet astronome va contribuer, en plus de ses travaux en physique et en
mathématiques, au développement instrumental. Il invente des lentilles achromatiques
avec lesquelles il confectionne un nouveau type d'oculaire qui lui permet de découvrir :
1. l'anneau de Saturne,
2. la rotation de Mars,
3. et la grande nébuleuse d'orion en 1656.
Il établit la théorie du pendule, et utilise ce dispositif expérimental pour réguler les horloges mécaniques, parvenant ainsi à des précisions nettement meilleures que la seconde pour la mesure du temps.
C'est près d'un siècle plus tard que MESSIER dresse son fameux catalogue de 103 objets célestes étendus. À cette époque, les télescopes s’étaient perfectionnés et avaient accru leur diamètre. HERSCHELL fabrique un puissant instrument d'un mètre vingt de diamètre pour le miroir primaire. La résolution angulaire, limitée par la diffraction, est ainsi portée à près d'un dixième de seconde d'arc en lumière visible ; désormais c'est la turbulence atmosphérique qui va limiter la résolution angulaire avec des instruments qui est deviendront de moins en moins aberrants (au sens de l'optique géométrique). Avec ces instruments aux performances qualitativement accrues, il découvre :
Il établit la théorie du pendule, et utilise ce dispositif expérimental pour réguler
les horloges mécaniques, parvenant ainsi à des précisions nettement meilleures que
la seconde pour la mesure du temps.
C'est près d'un siècle plus tard que MESSIER dresse son fameux catalogue de 103 objets
célestes étendus. À cette époque, les télescopes s’étaient perfectionnés et avaient
accru leur diamètre. HERSCHELL fabrique un puissant instrument d'un mètre vingt de
diamètre pour le miroir primaire. La résolution angulaire, limitée par la diffraction,
est ainsi portée à près d'un dixième de seconde d'arc en lumière visible ; désormais
c'est la turbulence atmosphérique qui va limiter la résolution angulaire avec des
instruments qui est deviendront de moins en moins aberrants (au sens de l'optique géométrique).
Avec ces instruments aux performances qualitativement accrues, il découvre :
1. Uranus et deux de ces satellites,
2. deux satellites de Saturne,
3. et des étoiles doubles.
Il étudie ces systèmes binaires et observe des nébuleuses. Il fonde la photométrie stellaire en lumière visible. Il fait la première détection de flux de rayonnement infrarouge en provenance du Soleil. Nous avons là encore un exemple d'avancées résultant d'un saut qualitatif des performances d'instrumentales
Il étudie ces systèmes binaires et observe des nébuleuses. Il fonde la photométrie
stellaire en lumière visible. Il fait la première détection de flux de rayonnement
infrarouge en provenance du Soleil. Nous avons là encore un exemple d'avancées résultant
d'un saut qualitatif des performances d'instrumentales
À terminer.
#### 8 - La place de l'instrumentation dans l'histoire de l'astronomie
<br>
L'histoire de l'astronomie, depuis la Mésopotamie ancienne jusqu’à nos jours, en passant par l'Antiquité grecque et la Renaissance en Europe occidentale, montre que l'instrumentation est un maillon __toujours présent__ dans la chaîne du processus d'acquisition de connaissances nouvelles. Toujours, la mise en oeuvre de l'instrumentation a été une condition nécessaire, mais pas suffisante.
L'histoire de l'astronomie, depuis la Mésopotamie ancienne jusqu’à nos jours,
en passant par l'Antiquité grecque et la Renaissance en Europe occidentale,
montre que l'instrumentation est un maillon __toujours présent__ dans la chaîne
du processus d'acquisition de connaissances nouvelles. Toujours, la mise en oeuvre
de l'instrumentation a été une condition nécessaire, mais pas suffisante.
La mise en oeuvre d'une instrumentation dans le processus de la mesure astronomique (ou observation) mobilise toujours 3 sous-systèmes principaux :
La mise en oeuvre d'une instrumentation dans le processus de la mesure astronomique
(ou observation) mobilise toujours 3 sous-systèmes principaux :
1. un objet inerte (ou un ensemble d'objets) qu'on appellera instrument ou outil,
2. une méthode d'utilisation (ou généralement un ensemble de méthodes),
3. des ressources (moyens économiques, budgétaires, humains, en matériels périphériques ou logistiques.
La mise en oeuvre d'une instrumentation astronomique s'est exercée de multiples manières ; deux idéaux-types extrêmes peuvent être identifiés.
Le premier est l'__idéal-type de validation__. L'exemple célèbre est celui de la découverte de Neptune. Un modèle très élaboré rendant compte des perturbations de la trajectoire d'Uranus fait une prévision : l'existence d'une nouvelle planète, Neptune, et sa localisation. L'auteur du modèle, LE VERRIER, propose à son collègue GALLE de mettre en oeuvre une instrumentation pour __valider__ le modèle. Grâce à l'existence de l'outil adapté (son télescope), de sa connaissance de la méthode appropriée, et parce que des moyens existent pour faire fonctionner son observatoire, GALLE "découvre" Neptune le 23 septembre 1846.
Cet exemple concerne la mise en oeuvre d'une instrumentation déjà existante. Dans d'autres cas, il faut la concevoir et la réaliser. Un autre exemple beaucoup plus modeste et plus récent peut être cité. En 1985, un modèle propose l'existence, en abondance, de molécules policycliques aromatiques dans la matière interstellaire ; si tel est le cas, un motif spectral à 3,3 micromètres de longueur d'onde doit exister dans le flux diffus rayonné par le disque de la Galaxie. Comme l'atmosphère est très absorbante et perturbante, il est nécessaire de réaliser cette mesure depuis l'espace. Un instrumentation embarquable en ballon stratosphérique est conçue et réalisée pour atteindre cet objectif. Le 30 juillet 1987, un vol transméditerranéen permettait de détecter pour la première fois ce motif spectral à 3,3 micromètres depuis une altitude de 37 km. Dans cet exemple, grâce aux ressources accordées par le CNRS et le CNES, une instrumentation a pu être conçue, réalisée et mise en oeuvre. La méthode identifiée s'est avérée adaptée, et la procédure de validation s'est accomplie ; Ce fut le programme AROME. Cette __idéal-type de validation__ est celui qui est presque toujours implicite dans l'idéologie contemporaine des astronomes. Ainsi, la réalisation d'une instrumentation suppose l'acquisition de moyens attribués au terme d'un processus de sélection très dur. Pour gagner cette sélection, le projet choisi, (parmi d'autres qui sont abandonnés) doit prouver que sa réalisation va permettre de valider un modèle d'objet ou de phénomènes cosmiques dont l'enjeu de connaissance est jugé prioritaire. Cette idéologie contemporaine est cohérente avec celle qui domine dans notre société très attachée à garantir une rentabilité maximum des investissements. Elle satisfait, aussi, l'esprit rigoureux des scientifiques qui aiment concevoir la démarche de recherche comme un processus ordonné, avançant pas à pas sur une ligne continue. Pourtant, l'histoire de l'astronomie jette un doute épais sur la continuité de la ligne de recherche et sur la capacité de "programmer" l'avancée des connaissances ! Existe-t-il, __aujourd'hui__, une possibilité de programmation là où __hier__, l'histoire montre que ce fut impossible la plupart du temps ? Cette question mériterait une réponse approfondie. Bordons nous ici à la poser, sans tenter d'y répondre ...
L'idéal type de validation est minoritaire dans l'histoire de l'astronomie. Celui qui domine nettement est l'__idéal-type d'exploration__. Lorsque des mésopotamiens au grecs, les astronomes observent l'ombre du Soleil et de la Lune produite par un bâton vertical (le gnomon), ils cherchent d'abord à connaître la course de ces astres. Peut-être, ensuite, le gnomon fut-il aussi utilisé dans une démarche de validation. Mais dans un premier temps, les outils simples des astronomes (gnomon, polos, grand-cercles, quadrants ...) furent utilisés dans une démarche d'exploration. Lorsque TYCHO BRAHE amasse des mesures du mouvement de Mars, mettant en oeuvre des outils et des méthodes permettant de franchir un seau qualitatif en précision (d'un facteur de l'ordre 10), il ne le fait pas pour __valider__ le modèle que KEPLER construira après sa mort ! C'est pourtant ces mesures "d'exploration" qui vont permettre à KEPLER d'identifier un écart de 8 minutes d'arc entre la réalité et le modèle de PTOLEMEE, créant ainsi les conditions de sa découverte des fameuses lois et de renforcer le crédit de la représentation copernicienne d'un monde héliocentrique !
L'__idéal-type d'exploration__ est le plus représentatif en histoire de l'astronomie ; il soulève le problème de la relation de cette science avec la technologie. D'une manière générale, la mise en oeuvre d'une instrumentation astronomique correspondant à l'idéal-type d'exploration, résulte de l'accession à une nouvelle technologie. Le mot "technologie" est accommodé à beaucoup de sauces ... / ... On l'entend ici au sens défini dans le lexique. C'est l'accès à une technologie, nouvelle pour l'astronomie, qui a apporté une contribution à l'origine des grandes avancées des connaissances. Ainsi, lorsque GALILEE tourne sa lunette vers le ciel, il lui suffit de deux mois pour faire cinq grandes découvertes ( la surface "rugueuse" de la Lune, la résolution des étoiles de la Voie Lactée, les satellites de Jupiter, les phases de la Lune, les tâches solaires ), contribuant à bouleversement de notre représentation de l'Univers.
C'est avec son nouveau télescope d'un mètre vingt de diamètre qu'HERSCHELL instaure une nouvelle ère de l'astronomie, découvre deux satellites d'Uranus, deux satellites de Saturne, recense près de 250 nébuleuses, confirme le mouvement du système solaire dans la Galaxie, découvre les systèmes binaires d'étoiles, fonde la photométrie dans le domaine visible, et découvre le rayonnement infrarouge en provenance du Soleil !
Ce! idéal-type d'exploration correspond généralement à une démarche d'investigation indépendante de celle de l'idéal-type de validation (qui résulte d'une intention précise bien identifiée). Parfois, elle est franchement contradictoire. Ainsi, lorsqu’en 1850 / 1851 l'autodidacte Léon FOUCAULT observe dans sa cave un pendule constitué d'une sphère de laiton de 5 kg pendu à un fil d'acier de 2 mètres, il le fait en contradiction avec les prévisions des modèles officiels. Son expérience, reproduite dans la grande salle méridienne de l'Observatoire de Paris, puis au Panthéon en Mars 1851, sera pourtant qualifiée (en 1904) par Camille FLAMMARION de "la plus magnifique leçon d'astronomie populaire qui ait jamais été donnée au grand public. ( ... ). La Démonstration pratique, évidente, majestueuse, du mouvement de rotation de notre globe ... ". Pourtant lorsqu'ARAGON lut, le 3 février 1851, le rapport de l'expérience devant l'Académie des sciences, un fumé de scandale s'éleva. Non seulement toutes l'école mathématique, notamment française, très compétente dans les savants calculs de la mécanique n'avaient pas prévu la rotation apparente du plan d'oscillation du pendule, mais encore certains, parmi les plus éminents comme POISSON (dans le journal de l'École Polytechnique) avaient écrit que l'effet n'existait pas (LAPLACE avait fait de même) ; cette affirmation résultait d'une activité de type "spéculative", c'est à dire d'une théorie ou d'un modèle sans susciter le besoin d'une validation par l'expérience. Or, deux siècles plus tôt, l'élève de GALILEE, Vicenzo VIVIANI avait dès 1660-1661 noté : "Nous observons que tous les pendules à un seul fil dévient du plan vertical initial, et toujours dans le même sens". Il ne fait pas de doute que si l'expérience de FOUCAULT avait nécessité de gros moyens, les notabilités scientifiques de son temps n'auraient pas sélectionné son projet ! Notons aussi que la puissance spéculative peut écraser un résultat d'expérience antérieur de deux siècles ! Cela est-il pensable aujourd'hui ? Laissons à chacun le soin de répondre, à sa convenance, à cette question. Le pendule de FOUCAULT fut à l'origine d'une polémique qui se développa autour de son interprétation, mais qui concerna aussi la permanence de la tension qui existe entre la théorie (représentation abstraite) et la mesure (interaction d'un individu ou d'un collectif humain avec la réalité, objet d'étude et de la représentation abstraite). Ainsi, le mécanicien Louis POINSON écrivait peu après, à propos de l'interprétation du pendule de FOUCAULT (voir Gapaillard, 1993, p247) :
" Sitôt qu'un auteur ingénieux a su parvenir à quelques vérités nouvelles, n'est-il pas à crainte que le calculateur le plus stérile ne s'empresse d'aller vite la rechercher dans ces formules, comme pour la découvrir une seconde fois, à sa manière, qu'il dit être la bonne et la véritable ; de telle sorte qu'on ne s'en croit plus redevable qu'à son analyse, et que l'auteur lui-même, quelquefois peu exercé ou même étranger à ce langage et à ces symboles, sous lequels on lui dérobe des idées, ose à peine réclamer ce qui lui appartient, et se retire presque confus, comme s'il avait mal inventé ce qu'il a si bien découvert ?"
En fait, entre l'idéal-type de validation et celui d'exploration, il existe tout un continuum dans lequel se rangent les mises en oeuvre d'instrumentation astronomique. Un exemple peut-être mentionné : la mesure du périmètre terrestre d'ERATOSTHENE. S'il existe une intention préalable, ce n'est pas celle de valider un "modèle sphérique". L'objectif de la mesure est la connaissance de la valeur du périmètre. De ce fait, cette mesure révèle davantage de l'idéal-type d'exploration que de celui de validation. Gardons-nous de réduire l'idéal-type de validation à une démarche intentionnelle, et réciproquement. Dans tous les cas (les deux idéaux-types et tout le continuum) __il existe une intention__, d'autant plus forte et argumentée qu'il faudra convaincre pour acquérir des ressources. L'action de conviction nécessaire à la réalisation d'une mesure, échappe parfois (souvent ?) à la sphère de la seule logique scientifique. Une condition nécessaire de réalisation est de nature socio-économique et presque toujours aussi socio-politique, avec une adhérence très forte à un système idéologique, plus ou moins partagé entre une communauté scientifique (ou une de ces parties) et un pouvoir politique dispensateur de ressources. Ce tissu de relations entre l'activité scientifique et la société est un déterminant essentiel de la dynamique d'acquisition des connaissances, d'autant plus vrai en astronomie que des moyens lourds sont mobilisés pour accomplir les mesures nouvelles ... Ainsi, la place que la société attribue à la recherche en astronomie, traduite pour une part essentiel par les ressources affectées, est-elle un des déterminants principaux de l'avancée des connaissances ...
La mise en oeuvre d'une instrumentation astronomique s'est exercée de multiples manières ;
deux idéaux-types extrêmes peuvent être identifiés.
Le premier est l'__idéal-type de validation__. L'exemple célèbre est celui de la
découverte de Neptune. Un modèle très élaboré rendant compte des perturbations de
la trajectoire d'Uranus fait une prévision : l'existence d'une nouvelle planète,
Neptune, et sa localisation. L'auteur du modèle, LE VERRIER, propose à son collègue
GALLE de mettre en oeuvre une instrumentation pour __valider__ le modèle. Grâce à
l'existence de l'outil adapté (son télescope), de sa connaissance de la méthode
appropriée, et parce que des moyens existent pour faire fonctionner son observatoire,
GALLE "découvre" Neptune le 23 septembre 1846.
Cet exemple concerne la mise en oeuvre d'une instrumentation déjà existante. Dans
d'autres cas, il faut la concevoir et la réaliser. Un autre exemple beaucoup plus
modeste et plus récent peut être cité. En 1985, un modèle propose l'existence, en
abondance, de molécules policycliques aromatiques dans la matière interstellaire ;
si tel est le cas, un motif spectral à 3,3 micromètres de longueur d'onde doit exister
dans le flux diffus rayonné par le disque de la Galaxie. Comme l'atmosphère est très
absorbante et perturbante, il est nécessaire de réaliser cette mesure depuis l'espace.
Un instrumentation embarquable en ballon stratosphérique est conçue et réalisée pour
atteindre cet objectif. Le 30 juillet 1987, un vol transméditerranéen permettait de
détecter pour la première fois ce motif spectral à 3,3 micromètres depuis une altitude
de 37 km. Dans cet exemple, grâce aux ressources accordées par le CNRS et le CNES, une
instrumentation a pu être conçue, réalisée et mise en oeuvre. La méthode identifiée
s'est avérée adaptée, et la procédure de validation s'est accomplie ; Ce fut le programme
AROME. Cette __idéal-type de validation__ est celui qui est presque toujours implicite
dans l'idéologie contemporaine des astronomes. Ainsi, la réalisation d'une instrumentation
suppose l'acquisition de moyens attribués au terme d'un processus de sélection très dur.
Pour gagner cette sélection, le projet choisi, (parmi d'autres qui sont abandonnés)
doit prouver que sa réalisation va permettre de valider un modèle d'objet ou de phénomènes
cosmiques dont l'enjeu de connaissance est jugé prioritaire. Cette idéologie contemporaine
est cohérente avec celle qui domine dans notre société très attachée à garantir une rentabilité
maximum des investissements. Elle satisfait, aussi, l'esprit rigoureux des scientifiques
qui aiment concevoir la démarche de recherche comme un processus ordonné, avançant pas
à pas sur une ligne continue. Pourtant, l'histoire de l'astronomie jette un doute épais
sur la continuité de la ligne de recherche et sur la capacité de "programmer" l'avancée
des connaissances ! Existe-t-il, __aujourd'hui__, une possibilité de programmation là où
__hier__, l'histoire montre que ce fut impossible la plupart du temps ? Cette question
mériterait une réponse approfondie. Bordons nous ici à la poser, sans tenter d'y répondre ...
L'idéal type de validation est minoritaire dans l'histoire de l'astronomie. Celui qui domine
nettement est l'__idéal-type d'exploration__. Lorsque des mésopotamiens au grecs, les
astronomes observent l'ombre du Soleil et de la Lune produite par un bâton vertical
(le gnomon), ils cherchent d'abord à connaître la course de ces astres. Peut-être, ensuite
, le gnomon fut-il aussi utilisé dans une démarche de validation. Mais dans un premier temps,
les outils simples des astronomes (gnomon, polos, grand-cercles, quadrants ...) furent
utilisés dans une démarche d'exploration. Lorsque TYCHO BRAHE amasse des mesures du mouvement
de Mars, mettant en oeuvre des outils et des méthodes permettant de franchir un seau qualitatif
en précision (d'un facteur de l'ordre 10), il ne le fait pas pour __valider__ le modèle que KEPLER
construira après sa mort ! C'est pourtant ces mesures "d'exploration" qui vont permettre à KEPLER
d'identifier un écart de 8 minutes d'arc entre la réalité et le modèle de PTOLEMEE, créant
ainsi les conditions de sa découverte des fameuses lois et de renforcer le crédit de la
représentation copernicienne d'un monde héliocentrique !
L'__idéal-type d'exploration__ est le plus représentatif en histoire de l'astronomie ;
il soulève le problème de la relation de cette science avec la technologie. D'une manière
générale, la mise en oeuvre d'une instrumentation astronomique correspondant à l'idéal-type
d'exploration, résulte de l'accession à une nouvelle technologie. Le mot "technologie" est
accommodé à beaucoup de sauces ... / ... On l'entend ici au sens défini dans le lexique.
C'est l'accès à une technologie, nouvelle pour l'astronomie, qui a apporté une contribution
à l'origine des grandes avancées des connaissances. Ainsi, lorsque GALILEE tourne sa lunette
vers le ciel, il lui suffit de deux mois pour faire cinq grandes découvertes ( la surface
"rugueuse" de la Lune, la résolution des étoiles de la Voie Lactée, les satellites de Jupiter
, les phases de la Lune, les tâches solaires ), contribuant à bouleversement de notre représentation de l'Univers.
C'est avec son nouveau télescope d'un mètre vingt de diamètre qu'HERSCHELL instaure une
nouvelle ère de l'astronomie, découvre deux satellites d'Uranus, deux satellites de Saturne,
recense près de 250 nébuleuses, confirme le mouvement du système solaire dans la Galaxie,
découvre les systèmes binaires d'étoiles, fonde la photométrie dans le domaine visible,
et découvre le rayonnement infrarouge en provenance du Soleil !
Ce! idéal-type d'exploration correspond généralement à une démarche d'investigation
indépendante de celle de l'idéal-type de validation (qui résulte d'une intention précise
bien identifiée). Parfois, elle est franchement contradictoire. Ainsi, lorsqu’en 1850 / 1851
l'autodidacte Léon FOUCAULT observe dans sa cave un pendule constitué d'une sphère
de laiton de 5 kg pendu à un fil d'acier de 2 mètres, il le fait en contradiction
avec les prévisions des modèles officiels. Son expérience, reproduite dans la grande
salle méridienne de l'Observatoire de Paris, puis au Panthéon en Mars 1851, sera
pourtant qualifiée (en 1904) par Camille FLAMMARION de "la plus magnifique leçon
d'astronomie populaire qui ait jamais été donnée au grand public. ( ... ). La Démonstration
pratique, évidente, majestueuse, du mouvement de rotation de notre globe ... ". Pourtant
lorsqu'ARAGON lut, le 3 février 1851, le rapport de l'expérience devant l'Académie des sciences,
un fumé de scandale s'éleva. Non seulement toutes l'école mathématique, notamment française,
très compétente dans les savants calculs de la mécanique n'avaient pas prévu la rotation
apparente du plan d'oscillation du pendule, mais encore certains, parmi les plus éminents
comme POISSON (dans le journal de l'École Polytechnique) avaient écrit que l'effet n'existait
pas (LAPLACE avait fait de même) ; cette affirmation résultait d'une activité de type "spéculative",
c'est à dire d'une théorie ou d'un modèle sans susciter le besoin d'une validation par l'expérience.
Or, deux siècles plus tôt, l'élève de GALILEE, Vicenzo VIVIANI avait dès 1660-1661 noté : "Nous
observons que tous les pendules à un seul fil dévient du plan vertical initial, et toujours dans
le même sens". Il ne fait pas de doute que si l'expérience de FOUCAULT avait nécessité de gros
moyens, les notabilités scientifiques de son temps n'auraient pas sélectionné son projet !
Notons aussi que la puissance spéculative peut écraser un résultat d'expérience antérieur
de deux siècles ! Cela est-il pensable aujourd'hui ? Laissons à chacun le soin de répondre,
à sa convenance, à cette question. Le pendule de FOUCAULT fut à l'origine d'une polémique
qui se développa autour de son interprétation, mais qui concerna aussi la permanence de la
tension qui existe entre la théorie (représentation abstraite) et la mesure (interaction
d'un individu ou d'un collectif humain avec la réalité, objet d'étude et de la représentation
abstraite). Ainsi, le mécanicien Louis POINSON écrivait peu après, à propos de l'interprétation
du pendule de FOUCAULT (voir Gapaillard, 1993, p247) :
" Sitôt qu'un auteur ingénieux a su parvenir à quelques vérités nouvelles, n'est-il
pas à crainte que le calculateur le plus stérile ne s'empresse d'aller vite la rechercher
dans ces formules, comme pour la découvrir une seconde fois, à sa manière, qu'il dit
être la bonne et la véritable ; de telle sorte qu'on ne s'en croit plus redevable qu'à
son analyse, et que l'auteur lui-même, quelquefois peu exercé ou même étranger à ce
langage et à ces symboles, sous lequels on lui dérobe des idées, ose à peine réclamer
ce qui lui appartient, et se retire presque confus, comme s'il avait mal inventé ce
qu'il a si bien découvert ?"
En fait, entre l'idéal-type de validation et celui d'exploration, il existe tout
un continuum dans lequel se rangent les mises en oeuvre d'instrumentation astronomique.
Un exemple peut-être mentionné : la mesure du périmètre terrestre d'ERATOSTHENE.
S'il existe une intention préalable, ce n'est pas celle de valider un "modèle sphérique".
L'objectif de la mesure est la connaissance de la valeur du périmètre. De ce fait,
cette mesure révèle davantage de l'idéal-type d'exploration que de celui de validation.
Gardons-nous de réduire l'idéal-type de validation à une démarche intentionnelle,
et réciproquement. Dans tous les cas (les deux idéaux-types et tout le continuum)
__il existe une intention__, d'autant plus forte et argumentée qu'il faudra convaincre
pour acquérir des ressources. L'action de conviction nécessaire à la réalisation
d'une mesure, échappe parfois (souvent ?) à la sphère de la seule logique scientifique.
Une condition nécessaire de réalisation est de nature socio-économique et presque
toujours aussi socio-politique, avec une adhérence très forte à un système idéologique
, plus ou moins partagé entre une communauté scientifique (ou une de ces parties) et
un pouvoir politique dispensateur de ressources. Ce tissu de relations entre l'activité
scientifique et la société est un déterminant essentiel de la dynamique d'acquisition
des connaissances, d'autant plus vrai en astronomie que des moyens lourds sont mobilisés
pour accomplir les mesures nouvelles ... Ainsi, la place que la société attribue à la
recherche en astronomie, traduite pour une part essentiel par les ressources affectées,
est-elle un des déterminants principaux de l'avancée des connaissances ...
#### 9 - La płace de l'instrumentation dans l'astronomie d'aujourd'hui